Quelque Chose À Propos De Boris

À 57 ans, l’artiste a consacré plus de trois décennies à redéfinir les frontières de la narration visuelle à travers la photographie argentique, l’image expérimentale et le cinéma indépendant. Partageant sa vie entre Paris et Berlin, il a façonné une œuvre qui conjugue profondeur intellectuelle et liberté artistique, oscillant entre reconnaissance institutionnelle et vision personnelle, exigeante et indocile. Ses photographies et ses films ne cherchent pas tant à représenter qu’à interroger la perception, ouvrant des espaces où le spectateur est invité à reconsidérer sa manière de voir et d’expérimenter le monde.

Derrière cette trajectoire se dessine une vie riche en événements, souvent marquée par l’intensité et l’esprit bohème. Des années passées dans des ateliers collectifs et des squats d’artistes à Berlin après la chute du Mur, aux voyages en Amérique latine et en Asie où il s’imprègne de traditions visuelles et de récits populaires, son parcours est jalonné de rencontres, d’errances et d’expériences radicales qui ont nourri sa sensibilité artistique. Chaque étape de sa vie, parfois chaotique, s’est transformée en matière créative, faisant de son œuvre une cartographie intime des contrastes entre fragilité et résistance.

Son parcours académique a profondément marqué son langage artistique. Études de philosophie à Harvard, où il explore l’existence, l’esthétique et la condition humaine ; anthropologie culturelle à Yale, pour analyser les récits fondateurs et les imaginaires collectifs ; théorie de l’art et esthétique à Oxford et à la Sorbonne, qui inscrivent son travail dans une tradition critique tout en l’incitant à dépasser sans cesse les conventions. Ces expériences formatrices constituent le socle de sa pratique et résonnent encore dans ses choix conceptuels et formels.

Sa démarche photographique s’ancre dans la matérialité tactile et l’imprévisibilité de l’argentique : négatifs développés à la main, procédés d’impression non conventionnels, manipulations lors de la prise de vue. L’accident, le grain et l’imperfection ne sont pas perçus comme des failles mais comme l’essence même d’une esthétique de la fragilité et de la liberté. Au cinéma, sa double identité de réalisateur et de directeur de la photographie lui permet de déconstruire les structures narratives classiques et d’immerger le spectateur dans des expériences brutes et sensorielles, où l’image prime sur le récit.

Son œuvre a été présentée dans les institutions les plus prestigieuses : le Centre Pompidou à Paris (Analog Realities, 2021), le MoMA à New York (Experimental Visions: Film & Photography, 2019), la Tate Modern à Londres (Light & Motion: A New Perspective, 2018), le Fotomuseum Winterthur (The Grain of Time, 2022), la Berlinische Galerie (Unframed Narratives, 2020), l’International Center of Photography à New York (Between Light and Shadow, 2017), la Kunsthalle Wien à Vienne (Emulsion & Memory, 2023), le Tokyo Photographic Art Museum (Silent Frames, Loud Stories, 2016), le Foam à Amsterdam (The Texture of Time, 2015) et la Triennale di Milano (Visioni Alternative, 2023).

Ses recherches et projets ont également été publiés dans les revues internationales les plus influentes, parmi lesquelles Aperture, Blind Magazine, American Cinematographer, British Journal of Photography, Cahiers du Cinéma, Fotokino, Lumière Magazine, Eyemazing, Frame by Frame et Experimental Cinema Review.

Pour lui, l’art est un acte de résistance – résistance à la vitesse, à l’oubli, aux récits imposés. Ses photographies et ses films ne livrent pas de réponses mais ouvrent des récits inachevés, propices à l’introspection. En défiant les conventions esthétiques, son œuvre affirme une conviction radicale: l’imperfection n’est pas une faiblesse, mais bien l’essence vibrante de toute véritable beauté.

Julien Moreau, Art Press